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[Éthiques et mythes de la Création] Le roman noir de l'entreprise

le 4 mars 2020

Mercredi 04 mars 2020
De 14 h à 17 h
24 rue des Écoles - 75005 PARIS
(partenariat Harmattan)

Séminaire interdisciplinaire sous la responsabilité de Sylvie Dallet (Centre d’Histoire culturelle des Sociétés Contemporaines/Institut Charles Cros)

Introduction : Tout à la fois substitut de la famille, cellule innovante du monde du travail, l’entreprise, dans sa glorification gestionnaire, apparait à certains comme l’image idéalisée du “bon messager”. Sa valorisation médiatique suppose cependant que l’on occulte les autres sources du développement économique : le service public, les associations, les personnes, en ce mélange mouvant que l’on nomme la culture. “Nous ne sommes pas une entreprise, nous sommes l’Université”: la récente réponse d’un groupe de chercheurs strasbourgeois nous conduit à repenser le mythe de "la bonne entreprise", celle qui, tout faisant des profits, permettrait l’épanouissement de ses employés et mériterait, par ce biais, que l’État (ou l’opinion publique) cite sa conduite équilibrée en exemple. Il existe à rebours, un véritable “roman noir de l’entreprise” qui s’entretient par des zones d’ombre soigneusement éludées des récits panégyriques.

Trois invités vont exposer les racines de cette maltraitance qui a inspiré une abondante littérature et quelques films : Albert David, Georges Nurdin, Alessia Valli.


Introduction : Sylvie Dallet


Albert DAVID : Entreprise et management: peut-on revenir aux fondamentaux ?

Résumé : Le roman noir de l’entreprise est aussi celui du management, vu comme activité ou comme groupe social des managers : l’entreprise et son management sont le théâtre de perversions de tous ordres, individuelles, collectives, institutionnelles. Le management serait-il intrinsèquement, et spécifiquement, pervers ? L’histoire est longue, dans la réalité comme dans les arts, d’affaires et de dénonciations qui pourraient nous faire pencher vers l’affirmative : harcèlements et domination, césarisme d’entreprise, lobbying sans scrupules, etc. Mais nous avons oublié les fondamentaux. Il faut revenir, avec Auguste et Cicéron, aux origines romaines de la gestion. Il faut se rappeler l’étymologie française de « management ». Il faut considérer le management comme une technologie, et aussi comme une humanité. Il faut analyser les idéaux dont étaient porteurs les grands contributeurs – et contributrices – à l’invention du management contemporain. On évoquera les contributions d’un Jean-Baptiste Godin, d’un Frederick Taylor, d’une Mary Parker Follett, d’un Peter Drucker, et on se demandera si leur démarches et créations relèvent d’une naïveté ou constituent des vecteurs de progrès.

Albert DAVID, diplômé de l’ESSEC, docteur en sciences de gestion, est professeur de management à l’Université Paris-Dauphine PSL, où il dirige le master « Management de l’Innovation ». Il est fondateur et directeur scientifique du Cercle de l’Innovation, une plateforme collaborative université-entreprise qui travaille sur l’innovation en management. 

 

Georges NURDIN : L’Entreprise : le Soleil Noir

Résumé : L’entreprise représente 70 % du Produit Intérieur Brut, c’est dire qu’elle conduit, guide et conditionne  la plupart des attitudes et réflexes comportementaux (intérieurs & extérieurs). Elle est, par ailleurs le point focal, un peu à la manière d’un four solaire qui concentre les rayons du soleil (noir en l’occurrence) jusqu’ au point de fusion : les  ingrédients, les inducteurs romanesques y sont chauffés à blanc : l’argent, la puissance, la domination, la brutalité (le langage militaire de conquête, les costs killers…voire les killers tout court), le sexe, la férocité, l’élimination, la dissimulation (le secret industriel) , la convoitise ( la part de marché, le job de son supérieur), la trahison, la félonie (cyber) , la lâcheté, le mensonge (la communication). Et les histoires sont (très) souvent des « romans noirs »... d’où la rédemption est absente…et le lanceur d’alerte toujours puni…quant au preux chevalier… Enfin la concentration de psychopathes  parmi ses leaders y est de l’ordre de 10 % à 20 % contre 1 % dans la population « ordinaire ». Et, cerise sur le gâteau, l’entreprise est devenue un  modèle universel épidémique : gouvernement, éducation, hôpital, association, religion, vie privée…

Georges NURDIN, diplômé de l’ESCP, du MIT et Docteur en économie, a exercé une trentaine d’années sur les cinq continents à des postes de direction générale et d’administrateur au sein de grandes entreprises, avant de l’enseigner dans des Écoles de Commerce  puis en tant que directeur d’une Grande École. Il est également l’auteur d’une dizaine de livres de Management et de Gouvernance, romancier (Wanamatcha ! la prophétie des pétroglyphes), essayiste et chroniquer chez Capital.


Alessia VALLI : L’entreprise, ferment des passions noires

Résumé : L’entreprise est un univers très inspirant pour un roman, car ses membres et les personnes qui gravitent autour de l’entreprise sont animés par l’ambition, la convoitise, la jalousie, la rancœur et sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins…

C’est un monde fait de rivalités, de course à la reconnaissance et à la recapitalisation en particulier pour les jeunes entreprises innovantes, ces start-ups qui ont toujours besoin de lever plus de capitaux pour leur développement car elles ne génèrent aucun chiffre d’affaire et l’érosion des capitaux (cash burn) y est très élevé. Dans mon roman, Folles vies, l’héroïne est initiée à ce monde de la finance et des levées de fonds quand elle intègre la très sélect Biotech Society, un club privé d’investisseurs fortunés où elle fait la connaissance d’Adriano, ambivalent fondateur de Genesis : une société de biotechnologie cotée en bourse, pionnière dans l’édition du génome.

Alessia VALLI a fait ses études universitaires au Royaume-Uni  (Maîtrise en Finance à l'Université de Cambridge et un Master en Droit à la London School of Economics). Elle connaît bien le monde de l’entreprise et, en particulier, celui des biotechs. Son roman La nostalgie du crépuscule publié chez Michalon a été récompensé par le Prix Contrepoint 2016 (prix fondé en 1971 par Patrick Modiano). Folles vies est son second roman (2019).